Nous arrivons à Airlie Beach après une nuit dans le bus Greyhound. Il fait un peu plus chaud, même si le ciel est couvert. On est au coeur de l'hiver ici et nous sommes en T-Shirt. Ca fait rêver ! Nous nous dirigeons tout de suite vers une agence de voyage pour voir si nous pouvons partir comme volontaires sur un bateau pour faire le tour des îles de Withsundays. Dom est skipper, et moi je sais faire cuire des pâtes et faire la vaisselle donc on peut monter à bord gratuitement en échange de quelques heures de boulot par jour. Il se trouve que comme nous arrivons à la dernière minute, tous les postes de volontaires sont complets, mais on nous fait un super tarif de dernière minute pour partir comme passagers ordinaires.
A peine une heure après être descendus du bus, nous embarquons à bord d'un trimaran de 18 mètres : Avatar II. Nous sommes une vingtaine de passagers, et il y a un cuisinier, un capitaine et un skipper. L'aide de Dom pour barrer et hisser les voiles est la bienvenue, mais comme ils n'ont pas besoin de moi pour faire la vaisselle, je m'installe sur une coque avec un bon bouquin.
Nous commençons par la baie de Cook où nous jetons l'ancre pour le déjeuner. La mer est très agitée et la météo peu clémente, ce qui est un peu dommage. Les paysages sont superbes et le seraient encore davantage sous un rayon de soleil.
Le skipper a mal lu les fiches des passagers et nous sommes surclassés en cabine « luxe ». Au lieu de dormir dans la coque centrale dans une sorte de grand dortoir avec des minuscules banquettes superposées, nous avons une « chambre » dans la coque à babord : il s'agit d'un trou dans la coque, aux dimensions du matelas qui est au fond, et d'environ 1 mètre de profondeur. On y accède par une trappe sur le dessus. C'est un peu comme un aquarium : on entend les vagues claquer sur les parois de la coques et, lorsqu'une grosse vague balaye le pont, il pleut à grosses gouttes dans notre « boîte ». Bien sûr il est hors de question d'ouvrir la trappe donc c'est un savant mélange de montagnes russes, hammam, et Nautilus. On trouve ça plutôt marrant comme expérience, ce qui n'est pas le cas du couple d'anglais dans l'autre coque qui eux, ont été malades comme des bêtes.
Nous mouillons d'ancre au large de la plage de Whitehaven, qui a été élue 2ème plus belle plage du monde juste après la plage de Phi-Phi en Thaïlande. Le sable y est si blanc qu'on dirait du sucre et l'océan se déploie en dégradés de bleu-vert. Malheureusement, le ciel est très couvert et nous sommes à marée haute, donc la vue n'est pas tout à fait aussi idyllique que sur les cartes postales. Depuis le point de vue panoramique en hauteur, j'aperçois des silhouettes de raies et de requins à quelques mètres seulement de la plage. J'attends patiemment qu'une éclaircie illumine le paysage pour prendre une photo à la hauteur de la beauté du paysage, mais il ne fait que pleuvoir davantage.
Je remonte à bord du bateau et, puisque je suis trempée, je décide de partir faire une petite plongée en masque et tuba pour observer les coraux. Les requins rôdent toujours, mais on m'assure que si je fais de grands moulinés avec les bras en cas de face à face imprévu, ils feront demi-tour. Alors, plouf, à l'eau. Les coraux sont superbes et peuplés de poissons multicolores. La visibilité n'est malheureusement pas idéale à cause de la pluie et du vent en surface.
Nous naviguons autour des îles supposées être paradisiaques, mais là, en l'occurrence, elles sont noyées dans la brume. Alors on passe un peu le temps, on fait connaissance avec les autres passagers, on échange des récits de voyage, et on boit du « Goon ». Le goon est un concept, une religion, devrais-je dire, pour tout routard qui se respecte en Australie. Le goon, c'est l'équivalent du cubis La Villageoise, c'est à dire une piquette infecte et râpeuse qu'on boit religieusement car elle est très bon marché, et elle n'implique pas de bouteille en verre. Selon la légende, « goon » signifierait « oreiller » en Aborigène, les natifs ayant pour habitude, une fois repus de ce délicieux nectar, de gonfler le pochon en aluminium pour s'en faire un oreiller et cuver tranquillement leurs excès. Cette version de l'évolution lexicale du mot est néanmoins controversée.
Nous rejoignons la terre ferme après 3 jours et 2 nuits passés à bord de ce grand trimaran. C'est une expérience incroyable qui m'a beaucoup rappelé les rêves de mon père sur les quais du port de Théoule ou de La Roquette : « un jour, les enfants, on achètera un bateau et on partira faire le tour du monde ». Moi, Papa, je suis prête, je te suis !